Les arts martiaux internes, ou « Neiwushu, 内武术 »
Les Arts martiaux internes (ou Nei Wushu) les plus connus en Occident sont le Taijiquan et le Qigong, mais il y a en existe d'autres, comme le Baguazhang, le Xinyi, le Taijijian, etc. Ensemble, ces Arts martiaux internes ont été développés au cours des siècles par les maîtres taoïstes des Monts Wudang, massif montagneux du Hubei (centre de la Chine).
Les arts martiaux internes font partie d’un corpus taoïste rassemblant des procédés visant à obtenir « changshou 长寿», la « longue vie ». Plutôt que de viser l’immortalité, il s’agit de méthodes permettant au pratiquant de prolonger sa vie tout en conservant une santé optimale. Les arts martiaux internes font partie d’un modèle comportemental typique de la Chine taoïste et, à ce titre, il n’est pas étonnant qu’au fil des siècles ils aient été incorporés à la médecine traditionnelle chinoise.
Que ces arts de santé soient qualifiés de « martiaux » fait allusion au lien étroit qui unissait les populations chinoises à leur repère rural : le temple taoïste. En effet, de tous temps, les maîtres « aux pieds nus » (maîtres taoïstes) ont été amenés à protéger les villages des attaques de brigands et des abus des percepteurs impériaux. Pour ce faire, les maîtres taoïstes ont puisé dans les techniques et dans le savoir-faire développés par les armées impériales.
A l’instar des procédés d’alchimie taoïstes qui, traditionnellement, étaient divisés en « Waidan » (cinabre externe) et « Neidan » (cinabre interne), les arts martiaux ont également été scindés en externes et internes. Tout au long du premier millénaire, les alchimistes taoïstes se sont intéressés à développer des techniques pour échapper à la mort, des techniques d’immortalité. Ce n’est qu’au cours du second millénaire que ces idées ont été traduites en termes philosophiques et que les pratiques ont été affinées par les maîtres taoïstes pour prolonger la vie tout en restant en bonne santé.
Les techniques du « Waidan » ou du « cinabre externe » s’intéressaient à la transformation des minéraux (en particulier, le cinabre) en matières précieuses (en particulier, l’or) et recherchaient une drogue ou une pilule d’immortalité dont les composants font partie de l’environnement externe : règne minéral, animal ou végétal. Les adeptes de ces procédés ont largement contribué au développement de la pharmacopée chinoise, mais aussi aux connaissances de la botanique, géobotanique, zoologie, minéralogie, climatologie et autres sciences naturelles.
Les techniques du « Neidan » ou « cinabre interne » visaient à induire et à diriger (Daoyin) le Qi et, de cette manière, à acquérir une «habilité au Qi » (Qigong) en vue de concevoir, au sein du corps mortel de l’adepte, un embryon d’immortalité (appelé « goutte de cinabre »). Par le travail consciencieux de l’adepte, l’embryon d’immortalité deviendrait un Saint Immortel. L’alchimie « interne » a contribué à mieux connaître le fonctionnement du corps-esprit, c’est-à-dire à développer la psycho-physiologie de l’être humain, mais aussi à étudier les circuits énergétiques du corps (système des méridiens et points d’acupuncture).
Rien d’étonnant donc à trouver parmi les adeptes taoïstes de nombreux médecins et autres savants multidisciplinaires (ex. : Hua Tuo 142-219 ; Ge Hong 283–343 ? ; Tao Hongjing 456-536 ; etc.). Les procédés d’alchimie interne et externe ont été transmis de maître à disciple ; peu de documents rendent compte de cet enseignement. Toutefois, la médecine chinoise, grâce à une tradition taoïste qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, s’est inspirée et même nourrie de nombreux procédés d’alchimie taoïstes, alchimie que l’on pourrait d’ailleurs qualifiée de « médecine de longévité ».
En ce qui concerne les arts martiaux, le qualificatif d’ « interne » est utilisé en relation d’opposition-complémentarité avec « externe ». D’une part, les arts martiaux externes, représentés entre autre par les moines de Shaolin, font usage des armes et de la force physique pour combattre des ennemis réels, des adversaires faits de chair, d’os et de sang. D’autre part, les arts martiaux internes, représentés entre autre par la tradition des Monts Wudang, développent une puissance vitale à partir de la circulation de l’énergie dans l’interne (méridiens, organes, viscères, etc.) en vue d’augmenter la qualité de vie et la qualité de contact avec l’environnement.
Pour un pratiquant d’arts martiaux internes, l’adversaire peut être interne : il combat en lui la violence, la haine, le mensonge, la concupiscence, etc. Lorsque l’adversaire est réel, fait de chair et d’os, il devient un partenaire qui lui permet de d’accroître la circulation interne de sa propre énergie. Les arts martiaux internes sont fort nombreux. Parmi les plus connus chez nous, on trouve le Taijiquan, le Qigong, le Daoyin, le Bagua, le Xinyi, etc. Chacune de ces disciplines rassemblent une grande variété de styles et d’exercices.