Les Monts « Wudang » ou « Wudangshan »

 武 当 山

Monts du « Guerrier Véritable »

 

 

 Les monts « Wudang », qui s’élèvent au nord-ouest de la province du Hubei, est un des quatre principaux centres du culte taoïste en Chine, ainsi que le foyer légendaire du courant des arts martiaux internes. Cette chaîne de montagnes compte 72 pics dont le point culminant s’élève à 1612m. Elle est parsemée de temples d’architecture Ming et Qing  et de monastères où les adeptes taoïstes, homme et femmes, mènent une vie active.

 Le massif acquit sa célébrité surtout à partir de la dynastie des Song, lorsqu’un culte à la divinité taoïste Zhenwu (le « Guerrier véritable ») ou encore Xuandi (« l’Empereur sombre ») s’y développa. Bien plus tôt déjà, Zhenwu a été associé à l’étoile polaire, localisation cosmographique du Taiji (le Faîte Suprême). L’école taoïste du Wudang a développé toute une série de rituels destinés à combattre les démons et les influences maléfiques lors de cérémonies de combat à mains nues ou avec des armes. Ces rituels d’exorcisme sont très souvent liés au Taiji et encore influencé par d’anciennes pratiques chamanistes.

 Par ailleurs, le mont Wudang est associé à la personnalité du taoïste Zhang Sanfeng qui aurait vécu sous les Song du Sud. C’est cet éminent personnage que l’on présente généralement comme étant le créateur du Taijiquan. Si l’on interroge les maîtres sur l’origine du Taijiquan, ils racontent pour la plupart l’histoire suivante :

 « Un jour que l’ermite Zhang Sanfeng était à la fenêtre de sa hutte sur le mont Wudang, son attention fut attirée par le cri étrange d’un oiseau. Se penchant, il vit une pie effrayée descendre d’un arbre au pied duquel se trouvait un serpent. Un duel s’en suivit, et la pie fut vaincue par le serpent, ce dernier combattant en souplesse et avec des déplacements curvilignes. Zhang Sanfeng comprit alors la suprématie de la souplesse sur la rigidité, l’importance de l’alternance du Yin-Yang et d’autres conceptions qui ont formé la base du Taijiquan. C’est à la suite de cet incident qu’il élabora le Taijiquan, application des principes du TaiJi. »

 Plusieurs éléments peuvent expliquer le choix de Zhang Sanfeng comme fondateur du Taijiquan. D’abord l’habitude chinoise d’attribuer une invention à un personnage dont la biographie est écrite sur le modèle des sages taoïstes ou des sages de l’antiquité. En effet, on trouve sa biographie dans « L’histoire officielle des Ming » : « Il était grand, d’imposante apparence, il portait les signes classiques de longévité, c'est-à-dire ceux de la tortue et de la grue. Il avait de grandes oreilles et des yeux ronds. Sa barbe se hérissait furieusement comme la lame d’une hallebarde. Eté comme hiver, il portait un simple vêtement ». D’après cette même biographie, il aurait vécu du 12ème au 15ème siècle, soit plus de 200 ans ; il était très versé dans l’alchimie intérieure et plusieurs ouvrages apocryphes sur cette discipline lui sont attribués. Le deuxième facteur qui aurait amené les taoïstes à choisir Zhang Sanfeng comme fondateur du Taijiquan est son lien intime avec Zhenwu, le « Guerrier véritable », protecteur du Wudang.

 « Wu Dang, 武当 » signifie « faire office de guerrier ». Dès le 12ème siècle, le mont Wudang est devenu un centre de développement des rituels de combat, mais en Chine la notion de combat ne se réduit pas à l’idée de lutte contre un adversaire réel, mais englobe aussi bien les combats contre les démons, contre les tendances profondes ou contre tout obstacle rencontré dans notre existence. De plus, lorsqu’un adversaire réel est présent, il devient l’élément permettant la construction de son propre territoire, l’établissement de ses propres limites.

 Symbole de la pérennité de la culture chinoise face aux bouleversements provoqués par l’irruption de l’Occident sur la scène chinoise et la déliquescence de l’Empire, Zhang Sanfeng devint une figure de proue pour une génération de lettrés dont sont issus les maîtres d’oeuvre du « courant interne » au 19ème siècle. Les monts Wudang deviennent alors le lieu de pèlerinage privilégié de tous les pratiquants d’arts martiaux internes.