Pourquoi je défends l’unité de la Chine

par Elisabeth Martens, le 19 fébrier 2011

 D’un susurrement de serpent perfide, les « nouveaux chiens de garde » du Marché ne manqueront pas de dénoncer mon « penchant prochinois ». Si, en ce qui concerne l’unité de la Chine, j’adhère à l’avis du gouvernement chinois, ce n’est pas comme le diront ces mauvaises langues parce que je suis prochinoise, ou pro-communiste, ou tout autre pro-. Non. Alors, quelles raisons me poussent à défendre l’unité de la Chine ? Outre qu’elle est la conséquence d’une longue réalité historique, son unité est stratégiquement et économiquement importante.

 Les régions autonomes situées en périphérie du bassin central, en particulier le Tibet, le XinJiang et la Mongolie intérieure, sont des zones fragiles. Or les revendications d’indépendance émanant de ces trois régions ne sont pas immédiatement l’œuvre des autochtones. Pour le Tibet, région la plus sensible et la plus médiatisée en raison des efforts continus du dalaï lama depuis plus de cinquante ans pour « libérer son peuple de la présence chinoise », plusieurs analyses historiques démontrent l’implication des États-Unis. La présence de la CIA dans la région tibétaine a été avérée, le soutien financier du gouvernement étasunien à la lutte pour l’indépendance du Tibet également, les relations plus qu’amicales qu’entretient le dalaï lama avec les bonzes des grandes puissances aussi. Depuis les années cinquante, la Chine s’est peu à peu vue est entourée de bases militaires américaines ou des conflits armés nécessitant les interventions de la Nasa ou de l’Otan. Or si l’Occident, États-Unis en tête, soutient la lutte du dalaï lama avec tant d’opiniâtreté, pensez-vous réellement que ce soit uniquement par empathie pour le peuple tibétain ?

 Que l’aimable lecteur me pardonne, mais il faut être bien naïf pour imaginer un gouvernement américain se pencher avec compassion sur un peuple de paysans et de bergers, perché sur le Toit du monde, alors qu’il n’a pas hésité à exterminer les valeureux guerriers de ses plaines de bisons ! D’après les historiens un tant soit peu sérieux, dès les années cinquante, les États-Unis ont vu dans cette lutte pour l’indépendance du Tibet une occasion inespérée de pénétrer la Chine. La stratégie usitée était éculée comme les fonds de culottes de Jules César : « divida est impera », « diviser c’est régner ». Attiser les différents raciaux en invoquant les origines ethniques, culturelles, linguistiques, religieuses et autres, est un stratagème qui, sans une forte centralisation du pouvoir, fonctionne comme sur des roulettes. Ce qui est valable pour le Tibet l’est autant pour le XinJiang, la Mongolie intérieure et autres régions moins médiatisées par manque de dalaï, mais dont les moindres tensions sont exploitées par les Occidentaux sous couvert d’honorables ONG à vocation humanitaire !

On l’a vu en ex-URSS, ou en ex-Yougoslavie, ou dans les pays « voyous » de l’Afrique : on assiste d’abord à l’éclatement du pays, puis on le « démocratise » (comble de l’hypocrisie : parce qu’on installe des élections, tout à coup la démocratie apparaît !). Ces pays fantoches plongent ensuite dans état de misère qui appauvrit les populations d’année en année. Le grand Capital n’en finit pas de se nourrir des dernières miettes de misère des gens, il n’en finit pas de sucer la moindre parcelle de ce qu’il peut encore y trouver : c’est minable, c’est minable, c’est scandaleusement minable ! De plus en plus de personnes en Occident sont conscientes de cette barbarie, s’en offusquent et s’y opposent. Cependant, quand il s’agit de réfléchir à ce que la Chine pourrait nous apporter comme renouveau, leur vue se brouille. Pourquoi ?... parce que la Chine est dirigée par un système communiste, et qu’on les a tellement bombardé de « communisme vaut pour dictature sanguinaire » que leur esprit critique s’est vu paralysé par ce cliché.

Le système communiste est une organisation sociale comme il en a existé d’autres. Il est à réfléchir dans ses limites, ses potentialités et ses promesses. Si, simplement, on se posait la question du bonus que le trust financier occidental aurait gagné si la Chine, sous la pression de l’Occident, avait éclaté en mille morceaux ? A l’instar de tous les pays « en voie de développement » (ironie macabre que cette appellation !), la Chine aurait été à la merci du système occidental. Les multinationales n’auraient plus eu qu’à être transférée jusqu’au Bassin central chinois et on y aurait assisté au spectacle désolant d’une Afrique affamée, d’une Europe centrale miséreuse, de millions de coolies engagés pour même pas 1$ par jour à démembrer des vieux pétroliers échoués sur les côtes indonésiennes.