Fascias et médecine chinoise
par Elisabeth Martens, le 12 mai 2023
Le système des fascias
Les fascias sont des membranes de tissu conjonctif présentes dans tout le corps, elles sont composées principalement de fibre de collagène et d'eau. Cette fine membrane fibreuse, visco-élastique, est malléable et enveloppe l’ensemble des structures corporelles : les muscles, les os, les artères, les organes.
On peut facilement en observer quand on cuisine un morceau de poulet, il s'agit de cette membrane blanche ou translucide entre la peau et la chair, ou quand on mange une mandarine (les filets blancs qui en séparent les quartiers). Les muscles aussi sont entourés d’une peau ferme ou d’une écorce, mais chaque groupe de fibres musculaires est maintenue par sa propre membrane, exactement comme la chair d’un fruit.
On divise les fascias en trois couches reliées entre elles : la couche superficielle (présente directement sous la peau), la couche profonde (au niveau du cou, du thorax, de la cavité abdominale et pelvienne) et la couche méningée (principalement intracrânienne).
Ils servent de matrice, de support au corps humain. On les retrouve partout dans le corps assurant une certaine continuité entre les différents systèmes. Mais les fascias ne servent pas qu'à soutenir et relier l'ensemble du corps, ils permettent aussi d'amortir l'énergie mécanique, comme un ressort. Ils participent grandement à la mobilité et à l'agilité corporelle.
Les fascias permettent encore l'alimentation et l'évacuation des liquides lymphatiques ; ils abritent des cellules immunitaires, nous protégeant des corps étrangers. Ils affectent non seulement la fonction immunitaire, mais aussi la circulation du Qi et des liquides organiques et donc aussi les fonctions organo-viscérales. Ils touchent l'ensemble de notre métabolisme.
Fascias et proprioception
Les fascias contiennent de très nombreuses fibres nerveuses (environ six fois plus que les muscles), mais également de terminaisons nerveuses. L’innervation des fascias facilite la perception et la transmission des stimuli : les nerfs reçoivent les signaux et font le lien entre les organes et les tissus conjonctifs.
Les fascias comptent plus de capteurs de mouvement (proprioception) et de récepteurs de la douleur que les muscles eux-mêmes. Ces terminaisons nerveuses perçoivent les stimuli mécaniques, ainsi que les douleurs, en particulier celles associées au syndrome de douleurs chroniques.
Lors de traumatismes, de mauvaises positions, de dysfonctions, de stress, etc., les fascias vont avoir tendance à se rétracter, à perdre de la visco-élasticité. La perte de mobilité (on parle d’ « adhérence ») et la diminution du glissement des structures entraînent une altération de la vascularisation et des apports liquidiens, ce qui peut provoquer des douleurs aiguës ou chroniques, des crampes musculaires, des tendinites, etc. Une grande partie des syndromes douloureux de l’appareil locomoteur est associée aux fibres nerveuses présentent dans les fascias.
On observe des dysfonctions des fascias (contractilité, perte de glissement, épaississement, etc.) dans des situations pathologiques diverses telles que la lombalgie, la fibromyalgie, les troubles digestifs, le syndrome du côlon irritable, les névralgies, les céphalées, la fatigue chronique, etc. On parle aussi du rôle des fascias dans l’apparition des pathologies tels que l’œdème, la fibrose ou encore l’inflammation. Ils seraient encore responsables de la prolifération tumorale et des métastases cancéreuses.
Cela explique qu'une approche thérapeutique des fascias peut se révéler pertinente dans le traitement de la douleur, mais aussi dans nombre de pathologie de l'interne, d'où le développement de la fasciathérapie.
Fascias et interstitium
L'interstitium n'est autre que le liquide interstitiel dans lequel baignent les cellules et les tissus conjonctifs (les fascias). Ils y puisent une partie de leurs substances nutritives et y rejettent leurs déchets. Le système des fascias joue un rôle essentiel dans l’hydratation des tissus et la dynamique des fluides, ceci via « l'interstitium ».
L’interstitium se situe sous la peau, le long du système digestif, des poumons, autour des veines et des artères, dans la vessie et entre les muscles. Il est constitué d’espaces remplis de fluide (dit pré-lymphatiques) et tapissant l’ensemble des tissus du corps humain. Ces espaces sont reliés les uns aux autres et soutenus par un maillage de protéines fortes et flexibles (collagène et élastine), formant un véritable réseau protégeant les tissus : les fascias.
L'interstitium a un rôle d’amortisseur qui empêche les tissus des organes et des muscles de se déchirer. Il est aussi un acteur important de notre système immunitaire puisqu'il est la principale source de la lymphe (qui produit et transporte les globules blancs).
D'après certains chercheurs, les faisceaux de protéines observés au niveau de l’interstitium sont susceptibles de générer des courants électriques lorsqu’ils se plient en suivant le mouvement des organes et des muscles les entourant. L’interstitium pourrait, de ce fait, transmettre de l’information et de l’énergie à travers l’ensemble du corps, et expliquer les phénomènes liés à l’acupuncture.
Tout comme les fascias et les liquides qui y circulent (l’interstitium), le système des méridiens forme un maillage dans l’ensemble du corps humain.
Fascias et triple-réchauffeur
La circulation des fluides pré-lymphatiques (l'interstitium) suit le tracé des fascias. Or dans les caractéristiques des fascias, certains chercheurs retrouvent un organe décrit par la médecine traditionnelle chinoise : le triple-réchauffeur. Dans les textes anciens, on dit de cet organe qu'il « a une fonction mais pas de forme ».
Le triple-réchauffeur est décrit par la médecine chinoise comme un système de cavités corporelles : espaces entre la peau et les muscles, entre les tissus, les organes, ou espaces à l'intérieur des articulations. Dans ces espaces circulent les liquides organiques dont les fonctions de transformation, de transport et d'évacuation sont dévolues au triple-réchauffeur.
Par « cavités corporelles », la médecine chinoise entend aussi les membranes délimitant trois niveaux organiques : plèvre, péricarde, péritoine. Le triple-réchauffeur est la voie privilégiée de circulation de l'énergie vitale (Qi originel) sur ces trois étages. En même temps, il est la voie de circulation des liquides organiques dans les tissus conjonctifs entourant les organes et les viscères. Ces liquides organiques sont répartis sur les mêmes trois étages, des plus légers aux plus lourds : Poumon-Coeur (étage "vapeur"), système digestif ou Rate-Foie (étage "marais") et Rein-organes excréteurs (étage "égoût").
La répartition des liquides organiques et la diffusion du Qi originel sur les trois étages du triple-réchauffeur pourraient s'apparenter aux fascias entourant les organes et les viscères et aux fluides y circulant.
Fascias et méridiens
Un autre rapprochement entre la médecine occidentale et la médecine chinoise est la description des méridiens myofasciaux. En effet, les chaînes continues de muscles et de fascias correspondent presque à l'identique aux méridiens tendino-musculaires décrit par la médecine chinoise. Ces méridiens tendino-musculaires (lubrifiés par l'interstitium) peuvent expliquer qu'un problème à un endroit du corps peut avoir sa source dans un endroit différent.
De plus, il existe une corrélation anatomique entre les localisations classiques des méridiens et des points d'acupuncture d'une part, et des plans et des cloisons des fascias d'autre part. La plupart des trajets des méridiens d’acupuncture coïncide avec les lignes des fascias qui sont aujourd’hui visibles à l’échographie. C'est pourquoi certains chercheurs émettent l'hypothèse que les méridiens d'acupuncture se situeraient dans le système des fascias.
De nombreuses similitudes fonctionnelles entre les méridiens d'acupuncture et les fascias ont été mises en évidence : fonction de protection, fonction immunitaire, fonction d'alimentation en liquides organiques, fonction d'échanges ioniques et de transport d'énergie, etc. Le système des fascias assure non seulement la conduction de tous les flux liquidiens, mais il est aussi le support de toutes les voies de circulation de l'organisme (artères, veines , lymphatiques , nerfs), de même que l'est le système des méridiens.
Fasciathérapie et massage chinois
On pourrait considérer les fascias comme un organe sensoriel, voir comme l’un des organes sensoriels les plus complexes et les plus importants pour la perception du corps (la « proprioception »).
En cas d’activité physique insuffisante ou de mauvaise posture, les cellules des fascias produisent peu de lubrifiants. Les fascias peuvent alors coller et durcir (les « adhérences »). Comme ils sont reliés à la façon d’une toile d’araignée, ce phénomène peut entraîner des douleurs dans tout l’appareil locomoteur.
A l’intérieur des fascias, existent des cellules qui, selon les besoins, peuvent produire davantage de lubrifiant ou de fibres. La fabrication de lubrifiant est assez rapide. Selon des recherches récentes, il semblerait que les thérapies manuelles de type massage chinois (tuina-anmo) renforcent le phénomène de production de fluides en seulement quelques minutes. Favoriser la circulation des liquides pré-lymphatiques entre les couches de fascias permettrait de refaire glisser les structures les unes par rapport aux autres et améliorer la mobilité.
Fasciathérapie et massage chinois ont en commun que ces deux techniques thérapeutiques agissent sur les tissus conjonctifs par des pressions et des étirements. Les techniques de la fasciathérapie sont proches de celles du tuina (massage des tendino-musculaires). Elles utilisent le mouvement interne propre aux fascias pour les libérer de leurs blocages. En libérant le mouvement interne du tissu conjonctif (niveau du méridien tendino-musculaire), les points situés sur le méridien principal (plus profond) est plus facile à atteindre et à stimuler.
Dans l'acupressure (an-mo), les pressions se font sur des points clés situés sur les méridiens. Ces points, souvent des nœuds vasculo-nerveux, présentent une résistance ohmique élevée et une résistance électrique faible. La différence de potentiel entre deux points est facilement mesurable, or on sait que l'eau est conductrice d'électricité. Les fluides présents entre les couches de fascias s'accumulent au niveau des « xue wei » (ou « emplacement de la grotte », les points d'acupuncture) et y provoquent une variation de concentration de neurotransmetteurs répondant à l'information fournie par les propriocepteurs, par exemple, en GI4 une augmentation d'endorphines quand il y a douleur, ou en VB34 une augmentation de corticoïdes quand il y a inflammation, ou en C7 une augmentation de sérotonine quand il y a insomnie, etc.
En tous cas, la présence des fascias et le rôle de l'interstitium justifient une approche thérapeutique globale telle que pratiquée dans la médecine manuelle chinoise (tuina-anmo).
Sources :
https://www.toulouseshiatsuki.fr/2021/06/07/les-fascias-la-matrice-du-corps-humain/
https://www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/Fiche.aspx?doc=therapies_fascias_th
https://www.sante-formation.com/les-fascias-etudes-et-prise-en-charge/
https://www.lesorangers.be/fascia-shiatsu
https://www.christophe-briquet-osteopathe.fr/fr/actualites/article-2-202006072-relation-entre-le-fascia-et-les-meridiens-d-acupuncture.html
https://fasciafrance.fr/fascia-vraiment-nouvel-organe/
https://www.ifm-massage.com/actualites/nouvel-organe-corps-humain-interstitium/